Sur l'art de la nouvelle, et à propos d'un concours…

Ian Manook, Anonym'us, et Atrementa

Écrire une nouvelle, ce n’est pas faire court, mais c’est faire dense. La densité, l’épaisseur, la matière, c’est la marque de cet exercice. Un exercice d’autant plus difficile que cette densité fait cruellement défaut aujourd’hui. Tout, autour de nous, se complaît dans l’apparence et la superficialité et certains pensent, à tort, que l’art de la nouvelle relève de la même technique de pirouette. C’est faux. Comme est fausse l’idée qu’une nouvelle ne serait qu’un roman avorté. Une nouvelle, au contraire, c’est la cristallisation d’un roman. Une autre façon de l’écrire. Comme une graine qui contient déjà tout ce que peut devenir une fleur ou un arbre. Celui qui méprise la graine au motif que l’arbre est plus grand n’a rien compris. C’est pourquoi j’ai le plus grand respect pour les nouvellistes. Ils sont les purs jardiniers de nos jardins, de nos vergers et de nos champs littéraires. Ils n’ont de comparables que les poètes, trop souvent moqués ou maudits, qui labourent et ensemencent comme eux nos écritures et notre langue. […]

Ian Manook, avant-propos au recueil Anonym'us 2017

Je découvre, ce jour, et via Atrementa que je fouillais, ce concours de nouvelles annuel atypique nommé Anonym’us. Malheureusement, son organisation se fait essentiellement chez Facebook (que je n’ai aucunement envie de fouiller, lui) et le repoussant site officiel est hébergé chez Google. Pas vraiment ma route, donc. D’autant que je n’ai pas su trouver les modalités de participation et que le polar n’est pas franchement ma tasse de thé. Par contre, les nouvelles "toutes inédites, sont téléchargeables librement, gratuitement et pour tous" d’après Libres écritures, partenaire de l’événement lancé en 2015 et qui vient donc de clore sa quatrième saison (septembre-avril).

À noter que, chez Atramenta, le recueil est diffusé sous licence Art libre qui autorise non seulement le partage, mais aussi la modification de l’œuvre, et surtout, ce qui me gêne, pour en faire un usage commercial (je reviendrai sur ma conception de la liberté, qui passe par la contradiction du marché). Pas sûr que tous les participants aient bien conscience de tout ça…

Bref, tous ces détails, que je considère essentiels, n’intéressent certainement pas grand monde. C’est un tort, car en l’occurrence, les initiateurs du projet semblent être de bonne volonté et leur démarche va dans le bon sens… mais in fine ce sont des sociétés commerciales nocives qui en profitent. Atramenta ne semble pas faire partie de cet internet détestable, Privacy badger ne détectant par exemple aucun pisteur, mais je dois encore me pencher plus attentivement sur ce site communautaire à vocation littéraire bien installé, mêlant gratuité, vente, et pratiques commerciales que j’avais estimées douteuses par le passé. L’interface surchargée, ne favorisant aucunement la concentration (et donc selon moi pas du tout la lecture), mais offrant effectivement moult possibilités et services, provoque la même incertitude, ou plutôt la même gêne, chez l’utilisateur que je suis.

À suivre…

Illustration principale : Dense, par 8#X, sous CC BY-NC-ND